Isère – Deux mois de prison avec sursis, 3500€ d’amende et l’interdiction formelle d’utiliser des chats pour tirer leurs attelages : Voilà la peine sévère prononcée hier par le TGI de Grenoble à l’encontre d’Anne-Cécile et Damien Traucouis, les fondateurs de l’entreprise « Chat-Glisse » qui proposait aux touristes de « ronronner de plaisir » en pratiquant le chat de traîneaux. Reportage.
Sur le plateau du Vercors, où sévissaient la fratrie Traucouis, nombreuses sont les structures touristiques proposant des balades en chien de traîneaux. Une concurrence sévère que les frère et sœur d’une trentaine d’année avaient décidé d’esquiver en proposant un concept novateur et attractif : le chat de traîneaux.
120 chats par traîneau
Si l’idée semblait séduisante sur le papier, la réalité s’est malheureusement avérée plus brutale. Comparé à un chien de traîneau classique, type Husky, capable de tracter à lui seul près de 40 kilos, un chat s’avère beaucoup moins efficace sur terrain enneigé, avec une capacité de traction ne dépassant par les 3 ou 4 kilos.
Même « équipés de petits chaussons cloutés », les chats « ont tendance à galérer et s’enfoncer dans la neige » admettait Damien Traucouis.
« Chaque semaine je leur livrais 110 litres de lait, 75 litres de Redbull, 500 kilos de croquettes et 30 kilos de stéroïdes anabolisants. J’ai jamais posé de questions […]»
Ainsi, pour tirer avec suffisamment de puissance un traîneau de 60 kilos, un catsher (l’équivalent du musher, en version féline) de 70 kilos et deux touristes pouvant peser jusqu’à 180 kilos, Damien Traucouis a mathématiquement déterminé une taille de meute optimale de 120 individus. Une meute bien difficile à contrôler.
Traîneau à guidage laser
Pour diriger l’énorme et turbulente meute de chats, Anne-Cécile a eu l’idée ingénieuse de monter un puissant laser sur les traîneaux : Braqué sur la neige, à un mètre des chats de tête, il dessine un point rouge mouvant et très brillant que les félins ne peuvent s’empêcher d’essayer d’attraper.
Quant à la centaine de chats ne voyant pas le laser « Ils sont obligés de courir aussi, sinon ils passent sous le traîneau » a froidement expliqué l’iséroise, devant un tribunal stupéfait. « Par contre, avec ce système, on a une précision au millimètre » ajoutait-elle, satisfaite.
15% de « pertes » par jour
Entre les chats passant « sous le traîneau », ceux mourant d’épuisement et ceux ne survivant pas aux nuits glaciales en extérieur supposées « les rendre plus forts », la fratrie Traucouis a admis lors de son procès « avoir cramé une bonne douzaine de chats par jour ».
Interrogé sur l’origine de ces animaux, Damien Traucouis justifiait évasivement avoir « un fournisseur tout ce qu’il y a de légal ». Une affirmation dont on peut douter, étant donnée la multiplication récente des disparitions de chats dans le Vercors ces derniers mois.
Témoignages bouleversants
Les témoins se sont succédé au tribunal de grande instance de Grenoble où avait lieu hier l’audience finale de « l’affaire Traucouis » :
« Ce jour là, on est tombés en panne de laser en pleine forêt ! Les chats ont commencé à partir dans tous les sens, c’était n’importe quoi, ça miaulait grave, on s’entendait plus ! On a dû en relâcher plein, on sait pas où ils sont allés, ils sont sûrement morts aujourd’hui » témoignait Bruno, un touriste d’origine parisienne.
Vincent, lui, était le livreur des Traucouis : « Chaque semaine je leur livrais 110 litres de lait, 75 litres de Redbull, 500 kilos de croquettes et 30 kilos de stéroïdes anabolisants. J’ai jamais posé de questions, ils me donnaient un bon pourboire à chaque fois… Si j’avais su à quoi ça servait, j’aurais fait quelque-chose, je vous jure.. » avouait-il, effondré.
« […] ça miaulait grave, on s’entendait plus ! On a dû en relâcher plein, on sait pas où ils sont allés, ils sont sûrement morts aujourd’hui. »
Au total, ce sont plusieurs centaines de chats qui auraient « disparu ». Abandonnés dans la forêt pour la plupart, probablement dévoré par des prédateurs, ils n’ont laissé aucune trace, aucune preuve. Anne-Cécile et Damien Traucouis ne seront finalement inculpés que pour « fausse déclaration lors du dépôt légal des statuts d’entreprise ». Ils avaient omis de préciser qu’ils harnacheraient des chats et non des chiens pour tirer leurs traîneaux.